Pourquoi et comment soutenir la monnaie locale ?
Mots-clés : Economie, Localisme
Pourquoi et comment soutenir la monnaie locale?
Note de réflexion octobre 2018
Préambule: Cette note n’a pour but que de rassembler un certain nombre d’informations et de suggestions concernant la monnaie locale.
1. Objectif politique général
- Envoyer un signal d’intérêt pour un projet centré sur le développement soutenable et l’économie de marché relocalisée.
- Refaire du lien avec une frange de citoyenneté active plutôt méfiante vis-à-vis de l’action politique. Favoriser l’inclusion sociale.
- S’inscrire dans une optique favorisant la résilience et l’action citoyenne dans un contexte de changement climatique et d’éventuelle crise économique.
2. Intérêt d’une monnaie locale
La question est vaste et parfois complexe pour les profanes que nous sommes mais plus on en sait sur le sujet, plus son intérêt parait clair. Aussi, au-delà de la courte synthèse qui suit, une petite bibliographie sera proposée en fin de note.
Relocalisation des activités
La monnaie locale, parsa limitation de sa zone de chalandise et par sa charte de valeurs, favorise les petits commerces et les entreprises (PME) locales.«Dans le cas de la monnaie basque Eusko, 87% des particuliers qui s'en sont servi en 2013 sont devenus de nouveaux clients pour au moins un commerce local. Dans la même année, 35% des entreprises membres ont trouvé au moins un fournisseur local qui acceptait la monnaie locale.» (1)
Stimulation des échanges locaux
La monnaie locale, n’ayant pas d’intérêt à être thésaurisée, a pour vocation de circuler. Son injection dans le circuit commercial local multiplie donc les échanges par rapport à l’euro.
- Possibilité accrue de crédit à taux faible pour des petites entreprises locales. Le taux de couverture des blés et l’association avec le CREDALoffrent des effets leviers potentiels.
- Augmentation à long terme de la résilience du territoire local par rapport à un éventuel choc économique externe.
- La dynamique productive aura tendance à se relocaliser.
- Renforcementde l’identité locale, du sentiment d’avoir prise sur l’économique, de la convivialité et de la citoyenneté.
3. Une monnaie locale n’est pas l’autre: caractéristiques des «blés».
Si les monnaies locales participent toutes d’un mouvement qui vise à redonner aux citoyens un levier d’action sur des mécanismes économiques qui les dépassent, chacune d’entre elles se caractérise par un certain degré de pragmatisme et par une dose d’engagement social variable.
Ainsi le WIR, monnaie suisse paritaire au franc, créée en 1934, visait à réinjecter dans les entreprises des capitaux que la frilosité des banques retenait en période de crise économique. Cette monnaie, essentiellement pragmatique, contribue toujours à oxygéner l’économie suisse. A l’opposé, les Systèmes d’Echange Locaux (SEL), à visée principalement sociale, abandonnent la parité avec une monnaie pour un étalon basé sur le temps (notre Bon’heur local). Bref, un échantillonnage qui commence avec «le temps, c’est de l’argent»jusqu’ à «l’argent, c’est le temps».
Le «blés» grézien, porté par Grez en transition asbl, mêle une bonne dose de pragmatisme à une intention sociale clairement définie dans la charte qui le porte (2). Cette intention sociale n’empiète jamais sur la liberté individuelle d’y souscrire, en laissant par exemple au commerçant qui s’inscrit dans le projet le soin de doser à sa convenance son implication sociétale. Admettons qu’un restaurateur qui souhaiterait s’engager dans le circuit des blés n’utilise que très peu de produits locaux. Il peut dès lors s’engager à augmenter cette part, à sa convenance, de façon à respecter l’esprit de la charte.
L’idée est donc d’inclure tous les acteurs en les impliquant librement dans une trajectoire de transition. Une assemblée générale évalue et oriente les actions en matière de monnaie locale.
4. Comment la commune pourrait-elle soutenir la monnaie locale?
Quelques pistes et propositions:
- Possibilité de changer des euros en blés à un guichet des services communaux
- Jetons de présence payés en blés en tout ou en partie. Cela pourrait aussi consister en sommes tout à fait symboliques (mini jetons de présence) pour reconnaître le travail de membres de la CCATM, de la CLDR, etc.
- Un prix «action pour l’environnement» remis en blés à des élèves des écoles locales. (On peut acheter des friandises avec des blés, pas seulement de la bière!)
- Etudier la possibilité de récompenser en blés des ramasseurs volontaires qui seraient toujours libres d’en faire don s’ils estiment leur action impérativement désintéressée.
- En complément des dispositions légales d’encouragement à utiliser le vélo dans les déplacements vers le boulot, on pourrait imaginer une prime symbolique versée en blés aux fonctionnaires qui utilisent ce moyen de déplacement (libération accrue de places de parking dans le centre).
- Idem pour les professeurs (et élèves? gestion par les directions d’école) qui utilisent ce mode de déplacement.
- Accès au hall des sports payable en blés.
- Assurer, au niveau communal,un fonds de garantie permettant de libérer un pourcentage convenu du taux de couverture à des fins de crédit aux PME et coopératives locales. Ce fonds pourrait consister en parts de coopératives, de terres agricoles à louer par des maraichers, etc.: dans un cercle vertueux, il rapporterait des dividendes à réinvestir. Ceci bien évidemment en échange d’un droit de regard sur la gestion de la monnaie.
Bien sûr, nous n’imaginons pas que d’emblée les impôts locaux puissent être payés en blés même si,de l’avis de chercheurs sur le sujet, ce sera probablement un des pas décisifs pour la réelle reconnaissance des monnaies locales. Les flux monétaires locaux atteindraient alors des volumes suffisants pour modifier l’économie locale (1). Dans une période transitoire suivie d’une évaluation, les quelques mesures proposées pourraient marquer l’intérêt de la commune pour une initiative citoyenne et inciter à la réflexion sur le sujet.
EPURES, octobre 2018
(1) Wojtek KALINOWSKI, L’impact socio-économique des monnaies locales et complémentaires,
Institut Veblen pour les réformes économiques, novembre 2014. http://monnaie-leman.org/wp-content/uploads/2015/10/impact_socio-economique_des_monnaies_locales_et_complementaires-2-copie.pdf
- Sur la mise en place des blés: http://www.etopia.be/spip.php?article3015
- Sur leur maintenance: http://www.etopia.be/spip.php?article3016
- Marie FARE , Monnaies sociales comme outil du développement soutenable, Institut Veblen pour les réformes économiques , février 2012: http://www.i-r-e.org/docs/les_monnaies_sociales_marie_fare.pdf
- Jérôme BLANC, Marie FARE, Les monnaies sociales en tant que dispositifs innovants: une évaluation- De Boeck Supérieur |- «Innovations», 2012 2012/2 n°38 | pages 67 à 84 https://www.cairn.info/revue-innovations-2012-2-page-67.htm?1=1&DocId=299548&hits=8031+8029+8028+8027+8026+8024+8023+10+8+7+6+5+3+2+
- Proposition de résolution visant à soutenir les monnaies locales et à leur garantir un développement légal, MM. CRUCKE, DESTREBSQ, DODRIMONT, EVRARD, Mme DEFRAIGNE et M. JEHOLET, Parlement wallon, session 2016-2017, 26 octobre 2016 http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2016_2017/RES/629_1.pdf
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